« L'afflux massif de réfugiés et de migrants qui s'est accéléré ces derniers mois réclame une
réaction urgente en réponse à leurs besoins sur le
plan sanitaire ». Dans un communiqué, la section européenne de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) prévient les Etats : les mouvements de population constituent un « défi » pour
les systèmes de santé.
De fait, après l’émotion suscitée par une photographie montrant un réfugié syrien de 3 ans, étendu mort sur une plage, les gouvernements se sont décidés à accueillir ces populations en détresse. En France,
24 000 migrants sont attendus. Or, cet afflux nécessite une prise en charge médicale dont l’organisation fait encore défaut.
Ebola, MERS… un risque très faible
« Sur le plan infectieux, il faut mettre en place des consultations, vérifier les vaccinations et l’état général de santé de ces personnes », suggère François Bricaire, chef du service Maladies infectieuses et tropicales à la Pitié-Salpêtrière, et responsable à la Croix Rouge.
En effet, s’il faut en finir avec le mythe du « migrant malade », il convient de mettre en place un suivi afin d’éviter l’émergence ou la propagation d’épidémies. « Le risque épidémique lié à des agents infectieux importés (Ebola, MERS…) est extrêmement faible, voire quasi-nul, si l’on considère le mode de transmission, la période d’incubation, l’épidémiologie de ces maladies, mais aussi l’expérience que l’on en a jusqu’à présent ». Un constat effectivement partagé par l’OMS.
En revanche, au cours de leur exil et au sein des camps, les réfugiés sont exposés à des pathologies liées à la précarité de leurs conditions de vie. « Dans ces lieux, souvent insalubres, il y a effectivement un risque que des maladies se propagent, comme des épidémies de gastro-entérite, ou encore de tuberculose », précise François Bricaire. Un risque d’autant plus grand que les difficultés accumulées au cours de l’exil affaiblissent les défenses immunitaires des réfugiés, déjà exposés aux violences (physiques et sexuelles) de la rue (physiques et sexuelles).
François Bricaire, chef du service Maladies infectieuses et tropicales à la Pitié-Salpêtrière :
« Il ne faut pas grossir les risques. Ces migrants se trouvaient dans un état de santé satisfaisant avant leur départ.»
L’hôpital surmené
Or, actuellement, la prise en charge médicale de ces personnes ne s’est toujours pas organisée à proprement parler. Les associations et ONG, Médecins du Monde en particulier, organisent des maraudes, proposent des consultations de médecine générale, construisent des toilettes et des douches dans les camps. Quant aux hôpitaux, leur PASS (Permanence d’accès aux soins de santé) est ouverte aux migrants, comme à toutes les personnes qui vivent dans la précarité et ne disposent pas de couverture médicale.
« Les PASS de Paris et de Calais fonctionnent, explique Jean-François Corty, directeur des Opérations France à Médecins du Monde. Le problème, c'est qu'elles sont totalement débordées. En l’état, elles ne peuvent pas absorber l’afflux de personnes. Les services de l’Etat ne répondent pas, aujourd’hui, à l’ampleur et aux besoins en matière de santé pour ces personnes ».
Jean-François Corty, directeur des Opérations France à Médecins du Monde : « Il est fondamental de sortir de la logique de campements. Nous avons le devoir et la possibilité de proposer autre chose que des bidonvilles pour ces familles. »
« Nous ne demandons pas des mesures compliquées »
Pour le moment, aucun plan spécifique de prise en charge médicale ne semble avoir été mise en œuvre par le gouvernement français. Pourtant, selon l’OMS, de simples mesures pourraient produire leurs effets et apporter une sécurité sanitaire aux migrants.
« Il est très important que les Etats européens intensifient l’accès des réfugiés aux hôpitaux publics, précise Santino Severoni, responsable du programme migration et santé du bureau européen de l’OMS. Nous devons comprendre que nous sommes confrontés à des changements démographiques. C’est une tendance de fond qui implique une refonte des systèmes de santé pour qu’ils puissent répondre à ces nouveaux besoins ».
Ainsi, selon l’OMS, tout est question d’anticipation. « Il est nécessaire de mettre en place des plans pour prévoir les besoins, les capacités et les risques liés à ces situations, poursuit Santino Severoni. On ne parle pas de mesures très compliquées. Simplement d’avoir un plan pour organiser la réponse ».
Santino Severoni, responsable du programme migration et santé du bureau européen de l’OMS :
« C’est comme si vous receviez des amis pour dîner et dormir chez vous, mais que vous ne savez pas à combien ils viendront. Si vous n'anticipez pas, il y aura des dysfonctionnements. »
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